Si, tout à fait entre nous, j’aime bien le jeu des profils de Virginia en jaune orangé de la couverture, j’ai beaucoup de mal avec le titre de ce recueil. D’une part, dans son graphisme (le LA est trop important et le ES trop ‘petit’) et, d’autre part, dans son insertion dans la page. Je n’aime pas non plus le fait qu’il se soit constitué de manière anonyme à partir de deux volumes de la même collection. Question – en mode humoristique – est-ce que des lecteurs vont ramener le volume en se plaignant qu’il commence au chapitre ‘trois’ ? J’ose espérer que cette publication incitera les lecteurs à lire les deux titres à partir desquels elle est composée. Je ne sais si les enseignants de français et d’anglais s’associent autour de Virginia Woolf pour essayer de mettre fin à ce qui perdure de marginalité pour les femmes dans notre société, mais ils ont là un excellent matériau. J’ajoute qu’il me semble que certains passages des ‘Trois guinées’ pourraient constituer de bons monologues qui bien joués pourraient faire rire. Pensez surtout que Virginia Woolf ne donne de leçon qu’indirectement. Elle vous demande de réfléchir plus loin que le banal et simple confort masculin, elle vous soumet une réflexion, une idée qu’il est difficile de déconsidérer. Vous trouverez pages 127 et 128 de quoi vous rappeler une de mes chroniques récentes et vous noterez à la fois l’humour de l’auteure et l’actualité de la remarque. Enfin, il me semble que Virginia Woolf n’oublie personne et surtout pas l’Église… Là aussi l’humour aide à donner plus de virulence à sa remarque. On pourra toujours reprocher à ceux qui la critiquent de manquer d’humour et ceux qui refusent ses idées auront beau jeu de la dire manquant de sérieux. Et bien sûr vous n’échapperez pas à la citation (longue). « Et voici que pour la première fois dans l’histoire de l’Angleterre, une fille d’homme cultivé peut, lorsqu’il le lui demande, donner une guinée à son frère, une guinée gagnée par elle (…) C’est un cadeau librement consenti, donné sans crainte, sans flatterie et sans condition. Cela, monsieur, marque une date si importante dans l’histoire de la civilisation qu’une célébration devrait s’imposer. (…) En cette occasion, inventons plutôt une nouvelle cérémonie. Rien de plus efficace que de détruire un vieux mot, un mot nocif et corrompu, qui a provoqué bien des mauvaises choses en son temps mais qui est tombé en désuétude : le mot « féministe » sera ce mot. D’après le dictionnaire, il signifie « quelqu’un qui milite pour les droits des femmes ». Puisque, désormais, le seul droit, le droit de gagner sa vie, nous est acquis, le mot n’a plus de sens. Or, un mot sans signification est un mot mort, un mot corrompu. Célébrons donc cet événement en passant ce cadavre au crématoire. Ce mot, écrivons-le d’abord en grosses lettres noires sur une feuille de papier ministre, ensuite, approchons solennellement une allumette de ce papier. Regardez comme il flambe ! Quelle lumière danse sur le monde ! Comme le monde en est illuminé… »

Bonne lecture.

La société des marginales
Auteure : Virginia Woolf
Editeur : 10/18

www.10-18.fr

La société des marginales
4.0Note Finale

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