Perle du jeu vidéo en son temps, Shenmue est souvent, depuis quelques années, pris en exemple comme un jeu presque magique. Une saga intemporelle et intouchable tellement sa suite est attendue. Sega nous fait le plaisir de ressortir les iconiques Shenmue 1 et Shenmue 2 dans une compile sur PS4, Xbox One et PC pour une piqure de rappel. Précurseur de ce qui inspirera par la suite la série des Yakuza et d’autres titres, Shenmue est un voyage poétique qui nous renvoi plusieurs décennies en arrière. Jolie manœuvre pour ravir les vieux gamers nostalgiques de la Dreamcast et faire découvrir aux jeunes joueurs une perle vidéoludique qui a pratiquement 20 ans déjà et ainsi paver le chemin vers un Shenmue 3 qui sortira l’an prochain.


Shenmue avait marqué son époque lors de sa sortie en 1999 au japon et un an plus tard dans nos contrées sur Sega Dreamcast. Malheureusement aussi, il n’avait pas connu le succès escompté. Néanmoins, Shenmue s’est forgé une légende au travers des années. C’était un jeu considéré comme une révolution dans le jeu vidéo à plusieurs égards. Il n’y avait pas un autre jeu cette année-là qui avait l’ampleur et l’ambition d’un Shenmue. C’était le top. Yu Suzuki, le créateur, voulait créer un jeu hyper immersif et crédible avec les avantages et les inconvénients de la vie de tous les jours. Avec un budget de plus de 70 millions de dollars, Suzuki-san avait les moyens de ses ambitions. Il a donc développé un monde cohérent et détaillé dans lequel le joueur évolue librement au milieu de PNJ qui ont leurs propres vie et activités quotidiennes. Le temps est pris en compte avec un cycle jour/nuit, des horaires d’ouvertures de magasins, des voix digitalisées pour tous les dialogues et beaucoup d’à-côtés pour rendre le jeu encore plus crédible et fun avec des mini-jeux et des activités annexes. Un univers vivant. Shenmue est aussi connu pour son côté narratif très poussé et son gameplay avec des QTE. On peut parler à tout le monde dans le jeu. Mais surtout, Shenmue est encré dans la mémoire des joueurs pour son histoire, son ambiance et ses thèmes musicaux qui sont juste magiques. Autre gros point fort de Shenmue, en 1999, c’était ses graphismes et ses animations temps-réels qui déchiraient pour l’époque. C’était presque un film interactif. C’est sûr qu’aujourd’hui, ça peut faire rigoler quand on voit ce que l’on peut avoir sur console ou même sur téléphone. Et c’est un peu le problème de ce remaster. Les joueurs d’aujourd’hui devront faire face à un jeu vidéo de pratiquement 20 ans dont les qualités techniques ont pris un méchant coup de vieux, comme le reste. Est-ce que ça vaut toujours la peine et est-ce que la magie opère encore en 2018?

Commençons par un point central du jeu: son histoire et son background. On suit les aventures du jeune Ryo Hazuki. Nous sommes en 1986 au Japon. Ryo rentre au dojo familial où il est témoin de l’assassinat de son père par des tueurs Chinois. Ils sont venus chercher le miroir du dragon que le père de Ryo gardait caché. Après ces événements, Ryo veut se venger et part à la poursuite de ces hommes. Son périple débute modestement par demander au gens du village ce qu’ils ont vu ce jour-là afin de récolter des indices sur l’identité des assassins ainsi que savoir d’où ils viennent et où pourra-t-il les retrouver. Ryo va faire des aller-retours dans la petite ville de Dobuita et ses alentours sans cesse pour recoller les pièces du puzzle. Shenmue 2 est la suite directe du premier. Donc, sans vouloir trop spoiler, Ryo est cette fois à Hong Kong pour poursuivre sa vengeance. Il doit faire face à une autre culture, se faire de nouveaux amis et surtout de nouveaux ennemis. Les zones à explorer sont plus grandes et plus denses que dans le premier. Le rythme est un peu meilleur avec une mise en scène plus dynamique et mieux rythmée. C’est assez net, les améliorations par rapport au premier à tous les niveaux.

Dans Shenmue, on ne se sent pas le centre du monde. On contrôle un personnage qui vit son histoire, son aventure, mais dont le monde ne tourne pas autour de lui. Les gens continuent à vivre leur vie. Les magasins, bars, coiffeurs ou restaurants ont leurs horaires d’ouvertures. Il arrive souvent que l’on se retrouve derrière la porte fermée à devoir attendre que ça ouvre. On croise des personnages dans les rues puis on les retrouve au bar. Il y a des mini-stories ponctuelles et facultatives que l’on peut rater. Elles sont souvent très courtes et assez rares. Ce n’est pas grave, c’est la vie, on passe à autre chose. Une grosse partie du jeu est de mener sa quête. Ryo a comme seul indicateur, son carnet de notes et son bagou. Dans son carnet, il y retrouve les adresses des endroits à visiter ou les noms de gens à interroger. Après, c’est au joueur de se débrouiller pour trouver son chemin tout seul. Il n’y pas d’indicateur sur la map. Ça rend les choses tout de suite plus compliquées, mais aussi plus intéressantes. Bon, le jeu est facile. La plus grosse difficulté, c’est de se repérer sur la map et lire les enseignes et les noms sur les maisons. On se promène librement dans des zones de quelques pâtés de maisons, on rencontre des gens, on fait ses achats dans les magasins, etc. C’est très similaire aux jeux Yakuza, en beaucoup, beaucoup moins poussé. Le jeu est ponctué de longs dialogues doublés en japonais ou en anglais, c’est au choix, mais surtout sous-titré en français pour la première fois. Ensuite, il y a des phases QTE, mais qui contre toute attente sont moins présente que je ne l’imaginais. C’est moins pire que dans un jeu de David Cage, mais c’est un peu plus présent dans le 2 que dans le 1. Il y a même des jeux dans les salles d’arcades pour s’entrainer, comme QTE challenge. Une autre phase de gameplay est consacrée aux combats libres qui est tiré de Virtua Fighter. Ça, ça a mal vieilli. C’est très brouillon, très saccadé, très robotique. Ce n’est pas une force du titre, mais là-aussi, c’est assez rare qu’il y ait des combats. En fait, on passe, 95% du temps à se balader et à parler aux gens…et à attendre que le temps passe.

Shenmue est un jeu assez relax qui simule un peu la vraie vie. L’idée s’est de se balader librement dans des zones assez ouvertes et dialoguer avec les gens afin d’avancer dans l’aventure. Alors, on se promène, on discute avec des PNJ qui n’ont souvent pas envie de nous parler à ce moment-là, mais que l’on retrouvera souvent plus tard. Le matin, on voit les gens arriver au travail et lever le rideau de leur magasin. Ils vont prendre le bus. Le soir, ils finissent dans les bars. C’est assez vivant sur la longueur à force d’observer. En pratique, le jeu est de 1999. Les rues sont un peu vides. Les dialogues se répètent. Mais surtout, comme dans la vie, il y a des phases où il faut littéralement s’occuper en attendant le prochain événement. Par exemple, on a une cutscene qui fait avancer l’histoire. On se dit, super je vais avoir quelque chose à faire. Erreur! on nous donne juste rendez-vous cet après-midi à 16h à l’agence de voyage, ou pire demain à midi et il est 11 heures du matin. Il faut attendre chaque minute (in game) jusqu’au rendez-vous. S’il est 8h30 du matin ou le jour d’avant, c’est long. Sachant que 1 heure in game dure 4 minutes réellement, le calcul est vite fait, pour un rendez-vous le lendemain à la même heure, c’est minimum 48 minutes à perdre. Et c’est plusieurs fois dans le jeu, parfois même de suite. Voilà comment on rallonge un jeu court. Et en attendant on fait quoi ? Ben, on s’occupe comme on peut. Le problème, c’est qu’il n’y a malheureusement pas énorme à faire. Il n’y a pas vraiment de mission secondaire. Il y a quelques événements (cutscenes) qui s’activent de temps à autres, mais c’est assez rare. On peut chercher des objets à collectionner qui ne servent à rien. Alors, au début, on découvre le jeu et alors c’est génial. On visite la ville et les villages. On rentre dans chaque magasin. On parle aux gens. On s’empreigne de la vie dans cette petite région du Japon ou de Chine. Mais, une fois qu’on a fait le tour, il ne reste plus grand-chose. On va jouer à la salle d’arcade 2, 3 fois. Faire une partie de Space Harrier ou Hang on. Mais, bon ça va quelques minutes. Ensuite, on peut acheter des figurines SEGA à collectionner avec les gashapons. Ou alors, on s’entraine au combat au dojo familial ou seul dans un parking pour améliorer ses techniques. Le souci, c’est que c’est assez souvent qu’il faut attendre de longues dizaines de minutes à ne pas faire grand-chose ou à refaire les mêmes activités 20 fois. C’est rigolo de jouer aux machines à sous dans le casino, mais pas quinze fois. Il y a clairement un souci de rythme et de diversité d’activités pour garder l’intérêt d’un joueur de 2018 toute une journée. On peut argumenter que, comme dans la vie, il faut savoir attendre et s’occuper en attendant. Oui, certes, mais c’est aussi une raison pour laquelle on peut jouer au jeu vidéo pour passer son temps et se distraire, pas pour attendre là-aussi. La vie peut être ennuyeuse, mais qu’un jeu « stoppe » sa progression par souci de cohérence de son horaire pour nous faire poireauter, c’est une mauvaise idée. S’ils veulent faire en fonction de l’horaire, pourquoi pas, mais il faut donner les outils aux joueurs pour qu’il n’y ait pas de temps mort aussi long en donnant, par exemple, la possibilité d’avancer le temps manuellement, ce qui a été fait dans Shenmue 2, heureusement. Dans le premier, on dirait qu’ils ont tout fait pour rallonger la sauce. On ne peut pas se coucher avant 8 heures le soir. On se réveille à 8h30 le matin et les magasins ouvrent à 10 heures. C’est pénible. Attendre, attendre et encore attendre.

Il y a deux manières de faire un remaster. Il y a la façon plus  »occidental » qui a une approche plutôt portée sur l’amélioration de certains éléments bancals du jeu ou du gameplay afin d’avoir une meilleure expérience que le jeu original avec des graphismes remis à jour. Et, il y a la façon plus « nippone » qui se contente d’améliorer les graphismes, mais en restituant le gameplay identique à l’original afin de revivre la même expérience que par le passé. Sega a opté pour la technique nippone et il faudra s’y faire. Si le jeu est maintenant en HD avec un ratio 16/9 pour satisfaire nos téléviseurs et seulement pour le gameplay, les cinématiques, elles, sont restées en 4/3, c’est un peu un des seuls atouts de ce remaster en 2018. Graphiquement, comme je l’écrivais, mise à part la résolution qui a augmenté, il n’y pas grand-chose à se mettre sous la dent. Les textures sont les mêmes que sur Dreamcast et Xbox (original). Attention ça pique les yeux, surtout le 1, le 2 c’est beaucoup mieux comparé. La modélisation des décors et des personnages n’a pas changé. Tout est carré, les textures sont pauvres, le son des voix compressées, c’est une catastrophe, les zones sont étriquées, etc. Ça a très mal vieilli graphiquement, soyons honnête. Shenmue 2 c’est moins pire, le jeu était sur Xbox et du coup c’est plus fin. Heureusement les chargements sont presque instantanés, car ils sont nombreux. Viens ensuite le gameplay. C’est lent, la caméra et les déplacements sont atroces. Pour aimer ce jeu-là, il faut s’accrocher. Surtout les placements pour regarder et prendre des objets. C’est lent et laborieux.

Shenmue I & II sont deux jeux cultes. Le fait de donner l’occasion aux joueurs de pouvoir les découvrir ou y rejouer sur des consoles actuelles (PS4 et Xbox One) et PC est plus que louable. C’est un pilier du jeu vidéo qui a inspiré d’autres jeux dans les années 2000 comme Yakuza, évidemment, mais aussi GTA 3, ou encore les jeux de David Cage et bien d’autres. Sega n’a malheureusement pas poussé assez loin son développement. Ce sont les deux mêmes jeux avec leurs qualités et surtout leurs défauts, comme à l’époque, mais en HD. Point à la ligne. Ni plus, ni moins. Mais en 2018, les critères de qualité ne sont plus les mêmes et si certaines choses sont pardonnables ou compréhensibles pour garder un côté authentique, d’autres passent moins bien, comme d’avoir gardé les voix digitalisées hyper compressée par exemple, ou une jouabilité aussi archaïque et surtout ne pas avoir intégré une gestion du temps mieux fichue. Il y avait matière à proposer les commandes originales ainsi que des commandes modernes plus agréables. Et les textures, ils auraient pu faire un effort. Si c’est pour faire vintage de ne pas les avoir touchées, c’est réussi. Heureusement, le jeu est aujourd’hui fluide en toute circonstance, ou presque, au port ça rame un peu. Alors, oui, c’est génial de pouvoir à nouveau jouer à ces jeux sur des machines modernes et dans de  »meilleures » conditions. Mais imaginez ce qu’aurait été un vrai remake complet de cette saga mythique. Ça, ça aurait été magistral. Un jour peut-être. Pour l’instant, c’est un remaster minimaliste, certes, mais qui a au moins le bonheur d’exister. Shenmue c’est un jeu relax. On s’immerge de sa culture, de son ambiance. On prend son temps à visiter les quartiers. L’immersion reste bonne et les 10 premières heures sont vraiment pas mal, mais après ou même avant on déchante assez vite. La diversité des activités reste maigre et l’interactivité avec les PNJ est au final minimum. L’histoire est bof, bof. On prend part à l’histoire et on s’attache au personnage de Ryo, mais on a vu beaucoup mieux et mieux écrit. Le scénario est un peu naïf et n’avance pas beaucoup au final. Les voix anglaises sont affreuses. C’est une traduction presque littérale du japonais et pas une adaptation. Mieux vaut les mettre en japonais. Le voyage en Asie fonctionne à merveille, c’est un vrai dépaysement. Le monde est vivant et ne tourne pas uniquement autour du héros. Néanmoins, on perd beaucoup trop de temps à ne pas vraiment savoir quoi faire ou juste pas envie de perdre du temps à chercher ou acheter des cassettes audios ou trouver des parchemins. Mais juste attendre 10 minutes (et c’est le minimum syndical souvent) devant une porte que l’événement qui durera le temps d’une cutscene de 2 minute se lance, c’est inacceptable. C’est une compile que je conseille à ceux qui veulent élargir leur culture vidéoludique ou pour les nostalgiques qui l’avait fait à l’époque et qui, peut-être, gardaient encore une Dreamcast pour continuer à y jouer. Pour les nouveaux qui débarquent et qui en ont juste entendu parler et qui se font hyper depuis des années de l’arrivée du 3, qui sort l’an prochain, c’est une bonne mise en bouche de ce qui attendra les joueurs en 2019. On adore ou on n’aime pas. Dans un premier cas, la magie opère encore, mais il faut être (très) indulgent sur le game design et les faiblesses techniques, le travail minimum sur ce remaster et surtout sur la jouabilité archaïque. Ce sont deux vieux jeux qui n’ont pas les standards des jeux d’aujourd’hui. Il faut accepter ça pour se laisser porter par la magie de Shenmue avec ses musiques ancestrales. Je peux comprendre que les vieux connaisseurs, qui sont assez rares au final, soient encore touché et émou, mais objectivement ce jeu sortirait pour la première fois en 2018, les gens crieraient au scandale. Shenmue 1 et 2 sont des jeux réservés aux curieux tolérants et au nostalgiques d’une époque, heureusement, révolue.

Les plus :

  • Deux jeux cultes à nouveau disponibles sur consoles actuelles et PC
  • Un jeu dépaysant, immersif et relaxant
  • La magie opère encore malgré les défauts, avec patience et indulgence
  • Les cultures chinoise et japonaise au premier plan
  • Certaines musiques enivrantes qui font voyager
  • Les quelques à-côtés (jeux d’arcades)
  • Pas autant de QTE que prévu
  • Les sous-titres français
  • Très bien en attendant Shenmue 3

Les moins :

  • Perdre du temps à attendre tout le temps
  • Les horaires des rendez-vous beaucoup trop espacés
  • Un remaster plus que minimaliste
  • Attendre!
  • Encore beaucoup de bugs corrigibles
  • Une jouabilité archaïque et pénible
  • Attendre!!
  • Narration très mal rythmée
  • Beaucoup d’activités (travail) très ennuyeuses (QTE)
  • Attendre!!!
  • Ça a très mal vieilli sans la fibre nostalgique
  • Les cinématiques 16/9 forcées en 4/3 avec des bandes noires dans le 2…
  • Les voix anglaises horribles


Éditeur : SEGA
Développeur : D3T
Date de sortie : 21.08.2018
Plateforme : PS4, Xbox One & PC

Genre : Aventure

Shenmue I & II
3.5Note Finale

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