Bousculade sur le quai de la gare, coups de sifflet, écho des voix, c’est la précipitation des départs en pagaille, des adieux difficiles et cependant hâtés par les dernières choses à penser. Cette agitation c’est 1914. Les hommes partent au front. Les femmes, elles, seront réquisitionnées à la production d’obus. Travaillant d’arrache-pied dans des conditions dangereuses, infernales, elles survivent dans un monde inédit qui les happe dans les rouages de sa mécanique implacable. Une plongée dans un univers sans concession, aux multiples inégalités.


Elles deviendront les filles aux mains jaunes en raison de la manipulation d’un produit néfaste jaune, présent sur les obus. On rencontre alors Julie, Rose, Louise et Jeanne. Ce sera Louise, femme de tête résolument féministe, indépendante, militante suffragette et journaliste à la Voix des Femmes qui incitera ses camarades à exiger un salaire égal à celui des hommes et des conditions de travail plus humaines.

Mais avant cela, ces quatre femmes très différentes apprendront à s’apprivoiser pour mieux partager des instants de réelle complicité, des coups de gueule, de cafard, quelques grammes d’espoir aussi, chapardés au hasard d’un mot. Car tout n’est pas noir en dépit de la guerre. Avec un sens aigu du rythme et des nuances, les rires, la gaiété, des bouffées de tendresse se répondent. Je pense par exemple à cette scène d’un dimanche ensoleillé, annonciateur du printemps, où nos quatre ouvrières flânent ensemble. Une photographie, suggérée par un simple flash, les immortalise.

La mise en scène est épurée: une structrue en bois, quelques vitres brisées suffisent à matérialiser l’usine où elles passent la plupart de leur temps. De ce choix sobre, transparait la volonté de peindre avec justesse la vie de ses femmes sans sombrer dans le pathos malgré la rudesse du contexte.
Le jeu exceptionnel, naturel s’associe à l’extrême précision des gestes des comédiennes. La répétition des tâches manuelles est orchestrée comme une chorégraphie simple mais parfaitement rythmée tout comme l’est le lavage des mains, accompli sous une lueur ambrée intimiste où les femmes prennent conscience de l’étrange coloration jaune indélébile de leurs paumes. Au delà du combat sur l’égalité homme/femme, des injustices, de la noirceur de la guerre c’est la dimension humaine qui marque les esprits. Une formidable entraide soude ces femmes entre elles pour former un lien puissant qui fait que, des années plus tard, l’émotion est restée si vive dans ma mémoire. Bravo à elles !

Texte: Michel Bélier
Mise en scène: Johanna Boyé
Comédiennes: Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard
Elisabeth Ventura
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