marvels - extrait

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Marvels est une série limitée de cinq numéros publiés au cours de l’année 1994. Si, actuellement, Kurt Busiek et Alex Ross sont bien installés sur la scène des comics – le premier porté aux nues par son travail sur des titres comme Astro City, Avengers ou Superman : Identité Secrète, le second régulièrement sollicité pour mettre à profit son talent sur des couvertures exceptionnelles – en 1994, les deux n’étaient que des inconnus. Et c’est cette mini-série qui allait faire leur renommée, permettant, peu après, la réalisation de Kingdom Come du côté de la concurrence, avec le même Alex Ross au dessin, qui n’y cachait pas l’influence de Marvels.

Marvels propose au lecteur de retracer l’histoire fictionnelle de l’éditeur Marvel à travers le regard d’un photographe lambda : Phil Sheldon. Commençant par la création de la Torche Humaine, enchaînant avec l’arrivée de Captain America et de Namor ; puis faisant un saut dans les années soixante – l’âge d’Or de Marvel, aussi appelé le ‘Marvel Age of Comics’ – où ce sont les Avengers et les Fantastic Four qui occupent le devant de la scène ; suivent l’arrivée des X-Men, avec toute la controverse qu’ils apportent.

Le ton de ce récit est contemplatif. Ceci est dû d’une part au point de vue externe imposé au lecteur en ne le plaçant pas au sein de l’action, comme il aurait pu le faire en suivant un super-héros plutôt qu’un quidam, et, d’autre part, aux planches sublimes d’Alex Ross, perdant en dynamisme ce qu’elle gagne en somptuosité. En effet, le dessinateur, alors âgé de seulement 24 ans, se détache avec violence de la production esthétique des comics, toutes périodes confondues, en privilégiant une approche photo-réaliste et préférant la peinture aux habituels crayonnés, sur lesquels se seraient ajoutés l’encrage et la couleur d’artistes secondaires. Son style réellement atypique fait de chaque œuvre où il s’illustre un classique incontournable, qu’il s’agisse de ce Marvels ci-présent, ou de Kingdom Come, Justice, Superman : Peace On Earth, Batman : War On Crime, Shazam : Power of Hope, etc. du côté de la concurrence.

On pourra reprocher à Marvels de miser sur des thèmes déjà usés, comme la ségrégation dont souffrent les X-Men, ou la division de l’opinion publique face au phénomène des super-héros, très à la mode dans les années nonante qui ne s’étaient remises ni de Watchmen, ni de The Dark Knight Returns, deux récits où l’opinion publique prenait une importance majeure. Mais là où certains y voient des lieux communs, ils prennent en réalité tout leur sens dans les ambitions du récit de retracer l’histoire de l’éditeur. Ainsi, la ségrégation des X-Men faisait partie intégrante de leur identité puisqu’ils ont été, d’une certaine manière, créés en tant que minorité opprimée, de même que la division de l’opinion publique face aux super-héros était un thème déjà évoqué dans les années soixante avec un avant-gardisme dont Marvel avait alors l’exclusivité (cf. Fantastic Four #7, daté d’octobre 1962). Plutôt que de tomber dans l’imitation stérile d’une formule à succès, Marvels tombe alors dans un classicisme solide qui le condamna dès sa sortie à l’immortalité des grandes sagas.

Si, d’une manière générale, la créativité penchait vers DC durant les années nonante, partagée entre les grandes années de Vertigo ainsi que des titres comme Kingdom Come, Starman, ou Hitman, Marvels fut sans doute l’exception du côté de Marvel dans le mauvais goût et la violence inspirée par le succès d’Image qui prédominaient. On tient incontestablement là un incontournable d’anthologie, qu’un amoureux de Marvel et, d’une manière plus générale, du mythe des super-héros et de leur histoire, se doit de posséder.

Marvels
One-shot
Dessinateur : Alex Ross
Scénariste : Kurt Busiek
Éditeur : Panini Comics
Collection : Marvel Icons

http://www.paninicomics.fr/web/guest/productDetail?viewItem=613608

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2 Réponses

  1. Romain Kapps

    C’est superbe, rien à dire, mais c’est parfois un peu artificiel dans la narration pour que tout se goupille tel un catalogue. Reste que c’est incontournable et que je garde mon Absolute avec grand plaisir. Il n’empêche qu’Alex Ross c’est souvent du contemplatif, pas toujours très rythmé (voir les Superman – Shazam – Batman scénarisés par Paul Dini).

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    • Louis Rossier

      Question contemplatif, c’est clair que la série des récits de Dini font fort ^^ J’avais particulièrement peu apprécié celui sur Shazam, dirigé comme un flyer de publicité pour la fondation Make-A-Wish (qui avait effectivement sponsorisé ledit comics). Pour Marvels, je n’ai pas vu cette artificialité, … peut-être à travers les ellipses temporelles dont use le scénariste à trois reprises, mais je trouve que c’était plutôt original – il refera de même dans l’excellent Superman : Secret Identity! Et sinon aux dessins Alex Ross toujours parfait, mes références pour lui étant évidemment Kingdom Come et Justice!

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