daily-books.com_Interview de Philippe Lécuyer  Collection Dyschroniques (2)Pourquoi « OSER » créer une nouvelle, une énième collection de SF alors que le marché semble s’essouffler ?

Je ne sais pas si le marché s’essouffle. Je vois surtout qu’il est dominé par l’heroic fantasy (que beaucoup considèrent comme une branche de la SF) et les sagas et autres romans fleuves. Au milieu de tout ça, peu de place pour la nouvelle. Je crois que ce format avait plus de visibilité il y a vingt ou trente ans. Aujourd’hui, seules les revues spécialisées (Fiction, Galaxies, Bifrost) leur offrent une vitrine.

Pour ma part, j’affectionne particulièrement ce format. Ce qui me parait « osé » dans notre projet, c’est surtout de consacrer une collection à des nouvelles seules, d’abord, puis de les choisir en fonction de leur pertinence critique. Une manière pour nous de souligner – s’il en était besoin – que la SF est (aussi) une littérature adulte, dotée d’un cerveau souvent bien rempli.

Son originalité, si j’ai bien compris, réside dans la réédition de textes que l’actualité remet à l’ordre du jour. Est-ce suffisant pour accrocher le lecteur et le fidéliser ?

Encore une fois, nous ne sommes sûrs de rien. D’autant que nous parlons là d’une petite structure et d’un petit tirage. Ce que je crois – et c’est une porte ouverte que je vais enfoncer ! – c’est qu’il n’y a pas qu’un type de lecteur de SF mais une multitude, avec leurs préférences, leurs partis pris, leur curiosité (ou pas)… pour ma part, en tant qu’amateur éclairé, j’aime ce qui est rare, peu visible, ce que l’on ne trouve pas facilement, ce que le temps a étouffé. Je crois en la curiosité d’une portion de ces lecteurs… Une large part préfèrera toujours le sillon bien tracé du tout venant de la production, mais il y a la place pour autre chose… pour de la SF intelligente, des textes introuvables (ou presque), des auteurs phares mais oubliés, des styles différents, des couvertures originales… Il me semble que c’est un bon cocktail.

Avez-vous eu des échos positifs, des encouragements, du soutien ?

Nous avons constitué une imposante revue de presse, non seulement dans les revues spécialisées mais également la presse plus officielle (Le Canard enchaîné, Le Monde, Libé, Chronic’Art…). Beaucoup de chroniques web également. A ma connaissance, aucun écho négatif ne nous est parvenu.

Avez-vous eu des difficultés pour obtenir les droits de certains textes ?

Oui. Mais pas forcément en termes de négociation – seules deux nouvelles de John Christopher nous ont échappés. C’est plutôt la recherche des ayants droits (auteur et traducteur) qui a posé problème. C’est une véritable enquête qui s’est engagée pour chacune de ces nouvelles. Mais globalement, toutes les négociations ont abouti.
A noter que l’un de nos prochains titres (signé Marion Zimmer Bradley) – une longue novella – nous a poussé à solliciter un site de financement participatif pour boucler l’affaire…

Qu’en attendez-vous par rapport à l’ensemble de la maison qui semble avoir tout de la petite structure ?

Le fait de monter une collection de science fiction dans une maison d’édition dont le catalogue est essentiellement consacré à la critique sociale a pu paraître étonnant à certains. Mais outre que la fiction n’a évidemment pas moins de potentiel critique que les sciences humaines, ce choix doit aussi permettre au passager clandestin de toucher et se faire connaître par de nouveaux lecteurs. Il est certain qu’étant donnée la conjoncture et les difficultés que rencontre l’ensemble de la chaîne du livre à l’heure actuelle, cet aspect des choses n’est pas anodin. Il est même crucial pour cette maison d’édition qui est, en effet, une petite structure (et qui souhaiterait pouvoir continuer à l’être encore longtemps).

Interview de Philippe Lécuyer, directeur de la collection Dyschroniques

 

www.lepassagerclandestin.fr

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