Franck Amiot, avant tout, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous expliquer brièvement votre parcours d’écrivain ?

Adolescent, je lisais énormément, avide de découvertes et de compréhension, happé par la magie de personnalités puissantes, de destins chaotiques, de situations haletantes qui s’égrainent dans les livres. Les auteurs me fascinaient autant que leurs personnages et faisaient partie de mon univers. Peut-être m’identifiais-je autant à eux qu’à leurs protagonistes. J’ai commencé à écrire à cette époque, qui s’est concrétisée au début de mes études universitaires par la publication du récit « Monsieur Sharund », d’une cinquantaine de pages, avec une orientation philosophique teintée de surréalisme.

Face à une réalité plus pragmatique, je me suis ensuite consacré aux études scientifiques, me destinant à faire de la recherche, et plus tard à mes emplois successifs. J’ai repris le stylo, ou plutôt le clavier, à la suite d’une restructuration, comme une bouffée d’oxygène après plusieurs années d’apnée dans la vie réelle. Bon, j’exagère un peu, d’autant que se confronter sans cesse à la réalité du quotidien et à de nouvelles situations confère la matière indispensable à l’écriture. J’ai alors écrit assidument nouvelles et romans, construisant peu à peu ma thématique de prédilection, gardant mon œil de scientifique et d’analyste, sans pour autant perdre ce qui est beau, ni ce qui fait vivre les âmes. La force et la fragilité des personnages de roman que je lisais jadis existent bel et bien dans le chaos de notre société moderne. Cela mérite bien qu’on s’interroge sur la place et le rôle de chacun d’entre nous.

Encore un détail, mon métier actuel consiste, entre autre, à rédiger des demandes de brevets. Il y est question de sciences et de technique mais il s’agit bien d’écrire et d’écrire bien. Cette écriture là réclame précision et concision, elle n’accepte ni superflu ni fantaisie. Je trouve que c’est une bonne école et j’en applique certaines exigences dans mon travail d’écriture.

Peut-être que ce mélange de parcours peut contribuer à forger une identité littéraire.

 

Vous avez auto-publié il y a peu de temps votre premier roman d’anticipation « Les Sans-Lumière ». Quel a été le cheminement et l’envie d’écrire ce roman ?

Dans un projet de nouvelle, il était question d’hommes souterrains dont la philosophie consistait à s’effacer du monde au point de ne plus y être visibles, existant pour soi-même et rendant la nature à elle-même. Ils étaient connectés au monde et entre eux, dans une totale harmonie, grâce à une matière capable d’interagir avec la pensée. A la recherche de personnes disparues, le personnage principal découvre qu’elles ont rejoint ces hommes souterrains, libres de leurs aspirations personnelles et infiniment plus sages et créatifs que nos sociétés. Le sujet m’a paru suffisamment riche pour en faire un roman et explorer les travers de nos organisations et notamment leur intolérance face à la diversité, qui peut pousser certains à se réfugier ailleurs. Peut-être y a-t-il là un risque d’affaiblissement de nos sociétés voire de déclin.

L’anticipation s’est imposée d’elle-même pour « Les Sans-Lumière », car il s’agit d’extrapoler une vision du présent sur un mode de fiction, avec des personnages engagés dans un destin hors du commun et emportés par l’aventure humaine.

Ce roman a été auto-publié et est disponible dans quelques librairies en Suisse et sur le site français d’Amazon. Est-il si compliqué de trouver un éditeur et pourquoi ?

Les éditeurs sont submergés de manuscrits au point parfois de refuser les nouvelles soumissions. Le plus souvent le manuscrit est écarté d’emblée et un courrier standard de refus est envoyé à l’auteur. Lorsque le manuscrit est discuté dans un comité de lecture, ce qui peut arriver chez les petits éditeurs, alors la décision d’aller plus loin doit souvent être unanime. Convaincre cinq personnes ou plus de prendre le risque de publier un auteur peu ou pas connu n’est pas chose aisée.

Une maison d’édition étant contrainte à la rentabilité, comme toute autre entreprise, la sélection sera donc plutôt en faveur d’auteurs déjà connus ou primés, ou de thèmes déjà plébiscités par le public.

Je reste pourtant convaincu qu’il y a de la place pour les auteurs indépendants, dont le style et les sujets les caractérisent et dont le talent n’est pas forcément en reste. D’ailleurs les avis de lecteurs confirment qu’il y a un réel intérêt pour ce genre de littérature, pour des approches originales ou des visions du monde qui diffèrent de ce dont on a l’habitude.

Je ne désespère donc pas de convaincre un éditeur. Il s’agira bien alors de réelle conviction pour s’engager ensemble sur ce chemin.

On peut lire sur la toile quelques critiques de lecteurs. Les retours semblent excellents. Votre roman est déjà considéré comme un regard sur un autre monde possible que celui que nous vivons. Rêvez-vous d’un monde meilleur pour l’humanité ? Que pensez-vous des sociétés modernes ?

 Nous pouvons en effet imaginer quantité d’autres mondes possibles ou plausibles. A ce titre « Les Sans-Lumière » peut être vu comme une utopie. Si le rêve d’un monde meilleur y est bien présent, il s’agit tout autant de mettre en exergue les pressions exercées par l’ordre établi.

En ce qui me concerne, je trouve que les sociétés imposent leurs paradigmes, refusent les remises en cause, et contraignent l’individu à se plier à des règles toujours plus rigides. Elles nient l’individualité tout en étant de plus en plus individualistes. C’est paradoxal. Il serait bon qu’elles rendent à chacun de nous l’espace nécessaire pour être soi, tout simplement.

 

Une suite à « Les Sans-Lumière » est-elle déjà en préparation ?

 Oui. Pour tout dire, j’ai réalisé que le développement de la nouvelle mentionnée plus haut se situait déjà loin dans cette histoire et qu’il valait peut-être mieux commencer par le début. « Les Sans-Lumière » c’est le donc le début, l’émergence d’un nouvel ordre malgré tous les freins exercés par les instances au pouvoir, sa croissance souterraine comme une lente gestation, jusqu’à la prise de conscience de son pouvoir, capable de mettre à l’épreuve notre monde, ou plutôt de le mettre face à ses responsabilités. La suite dira si la leçon d’humilité a été bien comprise ou si au contraire notre monde avide de pouvoir persiste dans ses désirs de conquête effrénée.

 

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Merci aux lecteurs car ce sont eux qui donnent vie à ce que sème l’auteur, de par leur intérêt et leurs commentaires. J’apprécie de lire leurs remarques et d’échanger à travers les réseaux sociaux. C’est là qu’on réalise que les questions abordées ne concernent pas que soi et qu’elles trouvent une certaine résonnance dans le monde, c’est là que l’auteur réalise qu’il fait bien partie de ce monde et qu’il se pose les mêmes questions que beaucoup d’autres.

Et aussi, à l’approche de cette période festive, je souhaite à tous de terminer l’année avec optimisme et légèreté.

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