Depuis le 21 septembre 2017 et jusqu’au 7 janvier 2018, les visiteurs peuvent découvrir à la Halle 7 du Palexpo de Genève l’exposition BODY WORLDS – Le cycle de la vie, fruit du travail du Dr Gunther von Hagens, de sa femme la Dr Angelina Whalley et de l’Institut de Plastination d’Heidelberg, en Allemagne. Plus de 200 corps humains plastinés, entiers, organes isolés ou coupes  transparentes sont ainsi présentés afin de permettre aux intéressés d’en apprendre plus sur leur anatomie et de comprendre l’évolution du corps humain au fil du temps. Depuis ses débuts, l’exposition anatomique n’a cessé de provoquer controverses et polémiques. On peut comprendre : s’imaginer une exhibition de vrais corps humains suscite généralement un sentiment d’inconfort voire même de dégout. Qu’en est-il réellement à propos de l’exposition BODY WORLDS – Le cycle de la vie ?


 

Des donneurs conscients et volontaires

Très peu de visages assis autour des tables jonchant l’entrée de la Halle 7 en ce mercredi 20 septembre 2017. On se serait attendu à davantage de journalistes pour la conférence de presse de l’exposition qui cause « le plus de remue-ménage médiatique » comme l’introduit dans son discours de présentation Vincent Sager le directeur d’Opus One, organisateur de l’exposition. En effet, à chaque passage dans une ville, l’exposition subit des attaques de la part de ses détracteurs, notamment sur la question des donneurs. Vincent Sager appuiera grandement sur le fait que chaque donneur a signé un consentement de son vivant et a pleinement été conscient de l’utilisation de son corps après son décès. Une étude a été réalisée auprès de l’Institut de plastination d’Heidelberg afin de comprendre les motifs qui poussent au don du corps. Tous présentaient un grand enthousiasme par la technique de plastination et espéraient de cette manière être utiles pour la formation des médecins et l’information du grand public.

Ci-dessous retrouvez  un tableau récapitulatif des réponses données par les 17 071 dons de corps enregistrés en juillet 2017 par l’Institut de plastination ainsi que le tableau de la répartition par âge des donneurs vivants et décédés :

Le cycle de la vie

Une grande gratitude aux donneurs a été exprimée par la Doctoresse Angelina Whalley, curatrice au visage sympathique de l’exposition, directrice l’Institut de Plastination à Heidelberg depuis 1997 et femme du créateur de la plastination le Dr Gunther von Hagens. Cette dernière rajoutera que le cycle de la vie est sa version préférée sur les huit thématiques déclinées de l’exposition énoncées ci-bas :

« ‘Vital’ célèbre le potentiel du corps humain, ‘Le cycle de la vie’ montre l’évolution du corps au cours du temps, ‘L’histoire du cœur’ s’intéresse à la santé cardiovasculaire et la prévention des maladies, ‘Pulse‘ aborde  la  santé et  le vieillissement au 21ème siècle, ‘The Happiness Project’ démontre les liens entre bonheur et bien-être et  ‘RX’  propose de  réfléchir  à  ce  que  représente une  vie  saine. Depuis 2010, ‘Animal inside out’ explore ce que cachent de nombreux animaux étonnants. »

Le cycle de la vie a pour vocation de nous dévoiler les mystères de la machine humaine, de nous informer sur le processus de vieillissement afin de nous faire prendre conscience des limites du corps, de ses capacités et de la nécessité d’en prendre soin. Elle met l’accent de l’impact de notre mode de vie sur le corps humain vieillissant. La Dr Whalley citera : « notre vie est notre entière responsabilité. »

En plus de vertus éducatives et préventives de BODY WORLDS, rajoutons les avantages pédagogiques pour les futurs chirurgiens. Le Dr Jean-Yves Beaulieu, chirurgien de la main au HUG, était justement présent pour nous parler d’anatomie : « Il est impossible pour le cerveau humain de se projeter en 3D dans l’espace, c’est pourquoi il est difficile de comprendre par exemple comment bougent les muscles pendant un effort physique tant que l’on ne l’a pas vu. De plus, il est important de se rendre compte qu’une main n’est pas qu’une main mais un ensemble de muscles, de nerfs, rattaché au bras, au corps tous ensemble. L’exposition permet d’en prendre conscience. » Ainsi, BODY WORLDS est une véritable source éducative pour les médecins et futurs médecins et leur permet de prendre mieux en charge les malades.

 

Les conséquences de l’exposition sur les visiteurs

Des sondages ont été réalisés par des organismes indépendants dans les différents lieux où ont été organisées les expositions et ont découvert plusieurs points très intéressants concernant les réactions des visiteurs après la visite. Les résultats sont très intéressants !

Autre point important : les sondages ont montré que les expositions répondaient aux attentes positives des visiteurs, tandis que les craintes ne touchaient qu’une minorité des sondés :

La place du corps mort dans la société

Posé à côté du chirurgien, l’anthropologue Marc-Antoine Berthod nous expliquera ensuite pourquoi une exposition de ce genre met le public mal à l’aise. Tout d’abord, il rappellera qu’il est étrange de voir les corps des défunts sans sépultures. En réalité, il en existe déjà dans certains lieux : pensons aux momies du Louvre ou encore aux momies exposées jusqu’en 1979 dans la crypte de l’Église Saint-Michel de Bordeaux. Par ailleurs, l’anthropologie du corps touche notamment au culte des reliques très dominant dans les religions : des objets qu’a ou qu’aurait laissés derrière elle une personne vénérée en mourant, soit des parties de son corps, soit d’autres objets qu’il a ou avait. Malheureusement il y a souvent une politisation de ces reliques. « Du fait de l’anonymat total des donneurs de l’exposition, on ne peut pas faire de politisation », tranchera l’anthropologue.

Un autre facteur qui nous perturbe dans cette exposition est sa façon de déjouer les codes et les visions qu’on a de la mort. Grâce à la plastination, le corps peut être disposé comme on le souhaite, donnant une impression de mobilité et d’activité parce qu’il peut être assis, debout ou simulant une activité sportive. En nous dévoilant la constitution intérieure identique chez chacun, elle est un support hors norme de connaissances anatomiques.  

… et dans la culture ?

Cette possibilité exceptionnelle de pouvoir mouvoir le corps sans vie à sa guise est utilisée afin de faire naître un côté spectaculaire. En effet, le visiteur devient le spectateur de mises en scène et figures artistiques. Marc Atallah, directeur de La Maison d’Ailleurs située  à Yverdon-les-Bains, soulignera que l’attrait esthétique de cette exposition domine le fait d’être choqué : « On est ici face à une « héroïsation », de la mort car chaque corps semble jeune une fois dépourvu de son enveloppe charnelle. On y voit toute sa puissance et sa complexité. A l’instar des zombies, figures cadavériques présentes dans la fiction depuis le XIXe siècle,  on mime une certaine immortalité et on explore notre imaginaire de la mort. Pourquoi ? Car sans modèle il est difficile de donner du sens au monde. »

 

En conclusion, on est très loin du corps en décomposition, du sang noirâtre ou d’odeurs nauséabondes émanant des orifices. Au contraire, le visiteur est face à une volonté de recherche de révéler la fascinante beauté du corps humain, de son impressionnante complexité et de la nécessité d’en prendre soin. Par ailleurs, le corps décédé reste en constante évolution : bientôt, il sera possible de transformer en engrais les dépouilles afin de nourrir les jardins ou les arbres. N’est-ce pas cela la vraie vie après la mort ?

 

Du 21 septembre 2017 au 7 janvier 2018
Palexpo Halle 7 – Genève
Horaires du mardi au dimanche de 10h à 19h. Dernière entrée avant 17h30.
Billets dès 20.-

www.bodyworlds.ch

 

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