L'Epervier de Maheux

L’Epervier de Maheux

Prix Goncourt 1972, vendu à plus de deux millions d’exemplaires et traduit en quatorze langues. Je vous ai déjà dit, je crois, que généralement je me méfie de ce qui suscite l’engouement populaire, là je suis interpelé par une donnée importante : un roman traduit en quatorze langues. Étonnant, non ? comme disait M. Cyclopède… Un roman dont l’écho, l’intérêt, le sujet et les personnages, sans parler de l’écriture, peuvent émouvoir dans quatorze langues. Si ce n’est pas de « l’universalité » cela y ressemble beaucoup.

Attention ! ce n’est pas un roman à emporter à la plage, je le réserverais plutôt pour les derniers feux de l’automne. C’est un roman sensuel qui parle de la terre et des hommes et des rapports entre terre et hommes. Et c’est profondément réaliste, je pense que c’est pour cela que c’est traduit en quatorze langues… Cela se passe entre Lozère et Margeride pas loin de l’Aubrac (je vous laisse vous situer vous-mêmes) et raconte deux générations d’hommes vivant du sol (bucherons, agriculteurs). C’est dramatique, certains diront sordide, et je crois qu’ils ont tort. Certes, à nos yeux de lecteurs du XXIe siècle, la misère rurale de l’après deuxième guerre mondiale peu sembler bien noire, mais pour ceux et celles qui la supportaient elle ne se mesurait qu’à elle-même et l’on ne diffusait pas encore des images de vacances en bord de mer du côté de Marvejols. Vous allez me dire que d’autres ont traité ce genre de sujet. C’est vrai, mais là il y a la manière. D’une part, si vous lisez avec attention, vous remarquerez que Jean Carrière, s’il aime ses personnages, n’est pas dupe : si l’action débute en 1948 il écrit bien en 1971 et ne se prive pas de le dire quand cela est nécessaire. D’autre part il utilise une langue riche et poétique qui nous « oblige » à entrer dans le paysage. C’est si bien écrit que j’ai envisagé un temps de vous livrer une chronique uniquement à base de citations… En voilà une pour finir : « Prenons un exemple : un beau matin, des messieurs très calés décident qu’il faut soigner les crétins du Haut-Pays (tenus pour tels) : ces énergumènes baveurs et ravis qu’on rencontre parfois là-haut assis au pied d’un arbre, et qui ont avec les papillons ou le vent de mystérieux conciliabules, les empêchent de dormir. (…) On s’est aperçu trop tard que leur prétendu crétinisme était en réalité une manière appropriée d’appréhender le monde : LEUR monde. Il y a là matière à rêver. C’est un flagrant délit de sorcellerie moderne. Et si la sorcellerie est, entre autres, un usage oblique de la réalité, le sorcier est plus souvent le boutefeu que celui qu’on brûle. »

Bonne lecture.

L’Epervier de Maheux
Auteur : Jean Carrière
Editeur : Presses de la cité
Collection : Trésors de France

www.pressesdelacite.com

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