Que faire lorsque la vie devient trop étroite pour toutes les envies qui nous grignotent l’esprit ? Très simple : on sublime! On ferme les yeux et on s’y croit, on s’évade, on frémit ! Recette détaillée dans l’histoire de ce mec…normal hein, le mec pour paraphraser Coluche. Célèbre pour ses BD avec notmment Zaïzaï, Fabrice Caro alias Fab Caro nous raconte par le menu la fable contemporaine d’Axel, père de famille à la vie douillette, un monsieur tout-le-monde pas si ordinaire…

Pourquoi évoquer ce roman maintenant alors qu’il est sorti en librairie fin 2020 ? Tout simplement parce que je l’ai découvert après coup et que le fou rire qui m’a secouée dès les premières pages demeure tout aussi vivant pour mes zygomatiques ! Broadway…De la danse, du rêve, des facéties, quelques grains de folie, des confettis un peu partout, des paillettes surtout, à foison, on s’y voit, on y est, la tête renversée, le rire de gorge, plein, strident, les yeux mi-clos ou complètement ivre. La vie serait donc une comédie musicale ? Peut-être bien…Voilà déjà de quoi se nourrir avant même d’avoir savouré la lecture à venir…

A quarante-six ans presque cinquante, Axel, le héros, observe, perplexe, le retournement des choses. Désormais, les paralèlles se croisent pour mieux apposer leur croix sur certains aspects de l’existence. La métaphore la plus parlante est encore celle de enveloppe bleue. Le narrateur se rememore où il a reçu la lettre d’un amour de vacances de Juan-les-Pins alors qu’il était adolescent :

« Et j’avais cru alors que le courrier serait toujours synonyme de coeur qui bat, de ventre qui vibre, de fragments d’extases et de ciels sans fin. Trente ans plus tard, ellipse, je tiens dans ma main une enveloppe plastifiée bleue au bas de laquelle est inscrit : Programme national de dépistage du cancer colorectal.« 

C’est par cette introduction si je puis dire qu’Axel nous fait entrer dans sa vie. Une existence à base de paddle entre amis, de stratagèmes intérieurs pour contourner l’apéritif trimestriel avec les voisins et finalement le subir, tenter de démêler pourquoi Tristan, son fils, a dessiné ses deux profs dans une position compromettante, tuer dans l’oeuf le désir naissant pour la prof en question, panser les plaies du chagrin d’amour de sa fille, trouver de l’intérêt au boulot.

Cela ressemble fortement une vie carrément mortifère très ordinaire eh bien non, il n’en est rien. Le style vif, fluide est percutant. La grande trouvaille de ce récit réside dans toutes les digressions humoristiques. Vous avez raison: ce sont bien des lignes de fuites, spécialement conçues pour tordre le cou à la réalité. Tandis que le roman suit le cours classique d’une vie coulant de source, Fab Caro a le bon goût de l’assaisonner de virages désopilants évoquant des bulles de bandes dessinées nous propulsant tout à coup dans un univers de super-héros, fait de péripéties, de danger imminent ou de situations terriblement comiques. Partant d’une situation basique, l’auteur la transforme en imaginant des ramifications complèment délirantes. Exemples concrets à l’appui :

 » La journée, il est Axel, un employé discret et sans histoires, mais dès qu’arrive la nuit, il devient…Urinor! »

« Je cherche une écharpe dans les tons bleus colorectal, vous auriez ça ? « 

Vous l’aurez très certainement subodoré, le rythme ici ne manque pas. La lecture est bondissante; on saute de suprise en éclat de rire. Néanmoins, les instants plus poignants et graves ne sont pas à déplorer. De jolis passages de complicité entre le père et son aînée Jade garantis sans mièvreries m’ont fait sourire et hocher la tête plus d’une fois. La question des points communs entre le héros et ses enfants est présent mais se pose aussi le temps des premières incompréhensions, des écarts en train de creuser leur galerie, des rites familiaux sur le point de mourir de leur belle mort : « Je ne le fais plus pour eux, je le fais pour moi (…) pour maintenir quelque chose en vie, par refus du temps qui s’échappe, du lien qui se distend, (…) par refus de capituler. »

Mais tout ce récit pour en arriver à quelle conclusion? A celle-ci: on peut tout à fait se résoudre à faire du paddle à Biarritz avec des amis qui ne le sont qu’à moitié ou prendre l’apéro trimestriel avec les voisins et en tirer tout de même un peu de plaisir; toute la magie d’écriture de Fab Caro se concentre ici: on cesse de subir sitôt que l’on trouve un tant soit peu de satisfaction dans les petits riens qu’on rencontre même s’ils ont l’air pénible comme la pluie.

Rien ne sert de fuir, il faut rêver à point ! Ou transcender à point, pourrais-je dire…étant d’humeur indécise, je vous laisse le soin de trancher. Lorsque le quotidien devient trop étouffant, on a tout même le droit de filer à Buenos Aires et taper le carton pourvu que ce soit dans son monde intérieur, pas vrai ? Mesdames et messieurs, je vous laisse méditer sur ce sujet philosophique…prenez votre temps, la gamberge sera longue, divertissante mais pas autant que ce bouquin !
Que le spectacle continue !

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publié.