En attendant Eden
Que ceux qui ont spontanément remplacé Eden par un autre nom cher à Samuel Beckett se rassurent, ils n’ont pas vraiment fait fausse route. Cela n’a pas grand-chose à voir avec la pièce célèbre, mais c’est une question d’écho… On dira pour simplifier que chaque lecture – d’une œuvre forte – éveille en nous le souvenir d’autres lectures – fortes. Ainsi au fil de celle-ci me sont remontées en mémoire des sensations de lecture de J.G. Ballard et d’Italo Calvino et des images d’un film particulier, « Tant qu’il y aura des hommes » (de Fred Zinneman avec F. Sinatra et M. Clift).
C’est d’abord une histoire de fantôme. Au sens propre, puisque c’est le « fantôme » d’un « Marine » décédé en opération dans l’explosion de son véhicule sur une mine qui raconte ce qui a précédé et ce qui suit. Il était l’ami d’Eden et du couple Eden-Mary… Mary l’épouse qui vient chaque auprès d’Eden qui se meurt lentement de ses brûlures. En « Opération » Eden est revenu impuissant et il a cru qu’en y retournant il retrouverait sa virilité.
Un étrange livre où l’histoire racontée se nourrit des sensations des personnages, comme si le fantôme sentait plus ou mieux les choses, la vie. Des sensations alimentées par la précision au scalpel de ce qui est « senti » et qui pourtant laissent l’imagination travailler et qui font que l’on « pense » ce qui est éprouvé. Du grand art. On regrettera donc la faiblesse de l’illustration en couverture qui ne dit pas grand-chose du contenu et ne tire pas l’œil. Mais vous avez compris le double intérêt de ce roman… Il parle de la guerre avec intelligence et de l’amour avec tendresse et douceur. Et j’hésite à en souhaiter une adaptation cinématographique… Difficile de jouer et faire jouer un fantôme. Difficile de jouer et de faire jouer des perdants…
Bonne lecture.
En attendant Eden
Auteur : Elliot Ackerman
Editeur : Gallmeister
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