Au milieu du canal du Lot, il y a huit écluses en enfilade qui forment un immense escalier. Ces marches sont appelées l’Escalier de Neptune , comme le dieu de la mer chez les romains. Les vannes qui ferment les sas sont gérées par un jeune homme handicapé, lent et muet qui est surnommé Octave-bave par les jeunes de la région, qui ne cessent de se moquer de lui. A Douelle, ce roi des écluses employé par la municipalité, actionne un cric pour laisser passer les péniches sur le fleuve dont il a la responsabilité. Son père, Monsieur Mychkine le traite aussi mal, que l’ensemble des villageois. Lorsqu’un nouveau cadavre de jeune femme est découvert sur place, les habitants de la région n’hésitent pas à accuser le malheureux qui se retrouve mêlé à une sombre histoire de viol et de meurtre. Des enquêteurs sont spécialement venus de Cahors, la ville la plus proche, pour l’interroger. Les inspecteurs, Molliner et Lanoux vont faire le maximum pour démasquer l’auteur des meurtres de Jeanne, Paulette et de Suzanne…

Cette bande-dessinée de 64 pages, sortie en août 2022 est captivante. En plus de l’enquête, nous assistons à des règlements de compte dans le village. Des histoires familiales ressurgissent en fin de lecture et nous découvrons avec stupeur le coupable de ces terribles assassinats ainsi que les raisons de ses actes. Il est des eaux moins paisibles qu’elles en ont l’air. Trois noyées en moins d’un an, les rumeurs vont bon train. Les flots sont paresseux mais dans ses méandres, la cruauté et la méchanceté ne sont jamais très loin. Avec son ambiance des années cinquante, ses personnages truculents et son soleil méridional qui habille les paysages, cette écluse pourrait prendre sa source chez Marcel Pagnol ou Jean Giono. C’est plutôt du côté de Victor Hugo que l’auteur semble avoir puisé l’épaisseur de ses héros, car si le jeune Quasimodo se voit cloué au pilori par les habitants de son village pour des crimes qu’il n’a peut-être pas commis, Fanette le défend, telle la belle Esmeralda. L’histoire pointe du doigt les petites lâchetés individuelles et la bêtise collective à travers le microcosme d’une petite bourgade.

L’auteur de cette BD instructive, Philippe Pelaez est un ancien professeur d’anglais qui s’est retrouvé du jour au lendemain propulsé comme scénariste de bande-dessinée. Il a signé ses premiers ouvrages pour la maison d’édition Des bulles dans l’océan. Après un détour par le financement participatif qui lui a permis de publier deux séries (Olivier & Peter et Parallèle), le réunionnais a rejoint le circuit éditorial traditionnel et a signé le scénario d’Un peu de tarte aux épinards. En 2019, il a marqué sa première collaboration avec Grand Angle sur le one-shot : Puisqu’il faut des hommes. Philippe a également produit : Pinard de guerre (2021). Au dessin nous trouvons Gilles Aris, un Toulousain né en 1976. L’illustrateur a commencé son exploration du dessin à l’adolescence, par des reproductions aux pastels secs de photos d’animaux. Sa rencontre avec Christophe Gibelin a débouché sur Le Vieux Ferrand, un polar rural français, paru en trois volumes aux éditions Delcourt. Après cela, sont venues quelques histoires courtes commandées par Spirou. Après huit années passées à réaliser des décors traits chez Ankama, dans le dessin animé, Gilles est retourné à la BD. La proposition de Grand Angle de dessiner La Balade de Dusty est tombé à pic et le coup de cœur pour cette histoire a été immédiat. On retrouve son dessin unique dans ce nouveau polar qui mélange parfaitement actualité et moralité.

Divisée en quatre chapitres, cette histoire surprend d’entrée. Les illustrations sont magnifiques et les cases bien fournies du point de vue des dialogues. On s’enthousiasme au fur et à mesure de l’avancée du thriller.

Scénario : Philippe Pelaez

Dessins et Couleur : Gilles Aris

Éditions Grand Angle

www.angle.fr

L’ÉCLUSE - Apparences trompeuses !
4.0Note Finale
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