J’avoue être un peu surpris et dérouté par cette missive qui tutoie un dictateur – Nicolae Ceausescu – et le remercie… Bien sûr, l’auteur explique le pourquoi de ce remerciement. Mais il me semble qu’il exonère un peu facilement le dictateur et son épouse. L’auteur dit devoir ce qu’il est à une loi interdisant l’avortement qui a contraint sa mère à le garder et à, plus tard, fuir la Roumanie. C’est en tant que fils de migrant qu’il est passé d’Eugen à Eugène et s’est forgé sa personnalité. L’auteur ‘reproduit’ des minutes du procès expéditif du dictateur mais il nous a préparé en faisant référence à un film français Les mariés de l’an II tourné en Roumanie (sans préciser le pourquoi de ce choix du lieu de tournage). Le film montre un procès caricaturé où les nobles sont jugés par le peuple… Bien sûr il est question de Timisoara et du charnier qui déclencha la révolution et du fait que cela relevait de la falsification… Et cela il me semble aurait mérité une explication, une analyse approfondie. Bien sûr, l’auteur a voyagé en Roumanie sous la dictature et il en a gardé une phrase qui sonne bizarrement à mon oreille : « Voyager dans une dictature est autrement plus exotique que bronzer deux semaines à Ibiza. ». Comme si la comparaison était possible. Eugène replace même ce que sa mère lui avait raconté à propos des paquets de cigarettes Kent qui servaient de monnaie d’échange en lieu et place de la monnaie officielle rare. Pour obtenir un bon repas il sort un paquet de Kent et obtient un bon résultat… Est-ce exotique ? Enfin il m’est venu une autre question : à l’heure où tant d’individus fuient sans la moindre facilité des dictatures et des guerres, abandonnant leurs biens, est-il raisonnable de raconter la chance que l’on a eu de pouvoir quitter sans trop d’encombre sa dictature (et de n’avoir eu comme désagrément – à dix-sept ans – que d’être retardé par des douaniers parce que des terroristes tuaient en France…) ? Il va de soi que cette lettre vous en dit autant sur son auteur, ce cinquantenaire Eugène, que sur ‘son’ dictateur.
Bonne lecture réfléchie.
Lettre à mon dictateur
Auteur : Eugène
Editeur : Slatkine
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