Je me permettrai encore une fois de vous suggérer de ne lire l’introduction qu’après avoir lu le roman. Non que cette introduction soit mauvaise, bien au contraire, mais il me semble qu’elle vous indique trop comment lire. Je pense que Ramuz est de ces écrivains dont il faut accepter qu’ils nous bousculent. De ceux qui vous emportent dans leurs histoires sans trop vous laisser de répits. Là j’ai souvent eu l’impression que l’auteur me parlait son histoire tout en la vivant. Qu’il me faisait oublier qu’il racontait sur l’instant le passé de Samuel. Que Samuel se racontait. Et pourtant il glissait de temps en temps l’information nécessaire.
Samuel est un orphelin de père, rêveur mais bon élève qui aurait tout pour parvenir à échapper à un destin de ‘paysan’ pauvre, hélas la mort de sa mère l’envoie à cause de son oncle travailler chez un riche propriétaire. Le reste vous est présenté en quatrième de couverture. La vie de Samuel est ‘simple’ mais comme il a étudié et lu au lieu de vivre comme les jeunes de son âge, sa vie est toute en retenues, en perceptions timides du monde social. On a souvent l’impression qu’il ne va pas au bout de ce qu’il sait, pense, croit ou imagine. Vous lirez avec attention les passages où il est question de Mélanie… qu’il dit aimer. Comme il n’a pas su quoi dire à la mort de sa mère, les mots avec Mélanie restent au bord de ses lèvres, au point que l’on peut se demander si sa solitude ne l’a pas rendu incapable d’agir par lui-même… Infirme d’une certaine façon. On peut lui trouver un côté Bartleby – vous vous souvenez du scribe imaginé par Melville.
Le livre comporte 471 pages mais se lit vite, si possible sans à coup. Je vous propose deux citations qui je pense traduisent à la fois Ramuz et son personnage et leur rapport à la nature monde : « Le malheur, c’est comme les fumées d’automne. Subtilement, à travers l’air, une odeur de loin les annonce ; on ne les a pas vues venir qu’on en est déjà entouré. ». J’espère que la suivante ne fera bondir personne : « Peut-on d’ailleurs parler de caractère avec les filles ? Elles sont eau, fumée, nuage ; il faut du vent à la fumée, il faut un vase pour l’eau. »…
Bonne lecture.
Vie de Samuel Belet
Auteur : C.F. Ramuz
Editeur : Zoé
Collection : Poche
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