Les Anglais ont coutume de dire qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Pourtant, l’image frontale est ici bien un prélude direct aux histoires truculentes et échevelées qui a tôt fait d’attirer le lecteur à l’instar de ces sirènes faisant dériver les marins… Et des sirènes, il y en a plein les pages dans ce livre….

Rien de plus naturel quand on s’appelle Sternberg. Mu par une soif d’écrire qui lui a valu une œuvre très diversifiée allant du théâtre au roman en passant par la nouvelle; elle n’en pas moins demeurée un peu trop à l’ombre à mon goût, Sternberg explose de toute sa puissance dans la brièveté, la fulgurance des images, le choc des situations : « Je ne vibre vraiment qu’en écrivant des nouvelles avec chutes et sujets bien précis et je naufrage généralement au cours d’un roman. » Auto-critique un peu sévère tout de même pour qui connaît le charme résolument absurde et poétique de son verbe.

Revenons à nos sirènes.
A travers ces soixante-seize nouvelles, Sternberg s’emploie à effeuiller avec toute la passion que je lui connais celles qui ont constitué son sujet de prédilection le plus cher et cristallisé ses sentiments les plus exacerbés. Thématique sans fin dont la fascination semble inextinguible. Et à juste titre car les femmes pour lui sont avant tout inaccessibles. On pourrait ajouter erratiques et lubriques, oublieuses et faussement innocentes, perfides et frivoles et encore d’autres qualificatifs mais inaccessibles reste leur marque de fabrique. C’est même le dénominateur commun, ce qui tisse toutes ces nouvelles ensemble. On retrouve la quête effrénée de l’écrivain pour la femme qui lui échappe sans cesse et qu’il désire d’autant plus; désir qui se dessine en filigrane ou explose de toute sa crudité au gré des situations.

Mais si l’érotisme imprègne les mots le plus souvent, c’est l’absurdité et la fatalité de l’existence que l’écrivain met en exergue tout au long de ses récits. Le destin frappe, aveugle, et la fin de l’histoire tombe comme un couperet. On le voit, l’auteur est passé maître dans l’art des chutes qui n’ont rien de lent, bien au contraire. Abruptes, efficaces, parfois cocasses, les chutes sont, quoiqu’il arrive, toujours travaillées et surprennent le lecteur en lui donnant à penser avec un peu de grain à moudre au passage. L’absurdité de l’existence éclate dans toute son incongruité. La mort, elle aussi compagne de longue date dans les écrits de l’auteur, est là pour avoir le dernier mot.

Mais en attendant, on explore avec enthousiasme tous ces visages de femmes différents: sorcières, poupées, mi-ange, mi-démon, sages ou alanguies mais fondamentalement surprenantes. On s’amuse des situations loufoques, inextricables, désespérées mais diablement comiques.
Après tout ça, on aura bien du mal à dormir sans vous.







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