Avec le roman mosaïque Je ne suis que ça, Madeleine Bongard, comédienne accomplie, traite avec acuité la fièvre, la recherche, la passion essentielles au métier de comédien pour jouer au plus juste mais célèbre aussi la vie, exprime ce qu’est l’essence de l’être par notre faculté illimitée à ressentir, à vibrer de choses simples.


Votre roman chante la vie; la question est de vivre, d’être. Comment cela se traduit dans
la vie pour vous ?

J’ai la chance énorme d’avoir foi en la vie ! Ça me permet très souvent de réussir à lâcher prise. Tout en restant ambitieuse. Je sais que ce terme est souvent critiqué. Mais l’ambition, pour moi, est une valeur magnifique. Avoir l’ambition de profiter de chaque instant, avoir l’ambition d’aimer, avoir l’ambition de prendre soin de sa santé, sont des ambitions magnifiques.

L’ambition donne beaucoup d’énergie dans la vie et étrangement elle me rappelle souvent à l’instant présent, au plaisir des petites choses, à l’importance d’essayer de ne pas trop me projeter dans l’avenir mais au contraire de construire un pas après l’autre et de voir ce qui émerge. J’adore aussi découvrir la vie des gens que je rencontre ou de mes amis, ma famille. Tous les parcours de vie sont passionnants et tellement enrichissants ! Les gens sont toujours beaux quand on leur donne de l’attention.

Les états d’âme de vos personnages sonnent comme des monologues. Avez-vous dans
l’idée de l’adapter au théatre ?


Je ne sais pas à l’heure actuelle si j’ai écrit Je ne suis que ça dans l’idée d’une future adaptation pour
le théâtre ou si les récits m’ont été donnés sous cette forme-là de potentiels monologues car je suis
depuis plusieurs années en travail avec des monologues de théâtre … qui de l’oeuf ou de la poule …
l’avenir le dira ! En tout cas j’aimerais beaucoup proposer cette histoire sous d’autres formes, et peut-être au théâtre oui !

Quelle a été votre plus grande difficulté pour l’écriture de votre ouvrage ?

La relecture ! Je suis quelqu’un qui ne lit jamais très longtemps. Je dépasse rarement les 30 minutes
de lecture d’une traite. Les jours de relecture ont donc été, pour moi, très fatigants. Je voulais être
concentrée du début à la fin, réécrire des passages si nécessaire, repérer les coquilles éventuelles
encore présentes, ne pas perdre de vue l’exigence de cohérence etc. Il a donc fallu passer plusieurs
heures à la suite dessus. En plus j’étais en pleins examens universitaires en parallèle. Ça a été un
passage assez périlleux.


Pourquoi les croquis ? Comment cette idée s’est imposée ?

J’aime proposer diverses façons d’entrer dans un récit. Un mot réveillera une certaine sensibilité, un dessin, un mouvement ou une musique une autre. J’aime la superposition de couches de lecture, elle permet de s’ouvrir à la complexité du fonctionnement humain. L’idée d’accompagner les mots du livre par des croquis va dans ce sens-là : offrir des instants suspendus, où les yeux et le cerveau regardent l’histoire par un autre biais. Les croquis offrent aussi un beau visuel. Et j’adore la couverture qu’a dessinée Claire !

Faut-il craindre le feu pour le devenir à son tour ?

Non je ne pense pas. On porte tous une flamme en nous, et si elle nous fait peur, ça vaut la peine de
s’y arrêter un peu et de comprendre pourquoi. Mais il ne faut pas forcément la craindre non. Par contre, je crois que cela arrive souvent qu’on ne s’autorise pas pleinement à laisser vivre cette flamme en nous de passion, d’envie, de plaisir, de sensation d’être vivant ! Le quotidien ne nous y encourage pas toujours.

Comment les lecteurs ont-ils réagi en lisant votre roman?

Celles et ceux qui m’ont contactée avaient des choses positives à me dire, je ne sais donc pas pour
les autres … Mais celles et ceux qui ont aimé ont été touchés par l’écriture proche du langage parlé,
la profondeur des personnages et une légèreté très agréable mêlée à des réflexions plus profondes.
J’ai vu passer des retours écrits aussi, que je vous partage là :

« L’écriture ciselée de Madeleine Bongard a ceci de particulier qu’elle sait mêler comme nulle autre
l’intime et l’universel, le privé et le public, le petit et le grand; elle dépeint le tissu des sentiments et
des impressions dans un grand mouvement ample et généreux, qui est comme une main tendue
invitant le lecteur, s’il le peut, s’il le veut, à partager par le biais de sa lecture un petit moment de vie
et un minuscule grain d’humanité. »

« Je me suis laissée embarquer très vite dans ces histoires croisées. Chaque personnage a sa langue,
son caractère, son univers, son questionnement, ses mystères, ses démons, son humanité… L’écriture est légère et les âmes de ces personnages sont profondes. J’ai aimé l’originalité du dénouement et apprécié d’autant plus la structure du récit a posteriori. Je ne suis que ça évite certaines facilités qui pourraient être populaires auprès des lecteurs pour offrir un regard plus subtil, plus entier sur ces tranches de vie. Un roman qui allie à la fois le plaisir d’une écriture légère et le temps d’une introspection personnelle. »

Ce qui vous bouleverse

La vulnérabilité et la vraie gentillesse.

Pensez-vous que l’on vit (trop) sagement ?

Trop sagement je ne sais pas. Je n’ai pas à en juger. Mais je pense qu’on ne conscientise pas assez
que beaucoup de nos choix sont guidés par nos peurs.

Et du côté des planches…avez-vous un rituel avant d’entrer en scène ?

J’aime prendre un temps seule dans la salle, marcher à travers les rangs, respirer, parfois même
chanter. C’est un moment où je pense au public qui va venir voir le spectacle, je l’accueille en
amont, je me réjouis qu’il soit bientôt là et qu’on partage ce moment ensemble.

Votre coup de coeur du moment (chanson, théâtre, peinture, livre…)

Je découvre en ce moment le milieu des arts du cirque. Il y réside un état d’esprit de jeu, d’entraide,
d’artisanat, de collectivité, de confiance et de lâcher prise qui fait énormément de bien et est très
inspirant !

Vos petits plaisirs simples ?

Caresser un animal, entrer dans l’univers imaginaire d’un enfant et croire à son histoire, boire un
café avec des amis, un sourire lumineux de vraie joie, une plante qui fleurit, mettre les pieds dans
l’eau fraîche d’une rivière, le fourmillement des gens dans une grande ville

Quels sont vos futurs projets ?

Cette année nous finalisons la création du spectacle Presque des Secousses mis en scène par
Sandrine Fourlon du Collectif l’Escalier4 (Paris). Presque des secousses est un montage issu de
Pour trois femmes (seules) de l’auteur français d’origine arménienne Jean-Jacques Varoujean.

Il met en lumière les personnages de Marguerite dans La Cocona, joué par Sandrine Fourlon, et de
Frédérique dans Tout le monde descend, que j’interprète. Deux femmes, deux monologues qui
s’entrecroisent pour raconter leurs vies d’amour, leur soif d’être, leur rapport à la mort. C’est sublime !

Je réfléchis également à une nouvelle proposition jouée en ligne et en direct. Durant l’année 2020,
pandémie oblige, j’ai développé avec ma compagnie, la compagnie Dyki Dushi, une expérimentation des plus-values du travail en ligne et le Canton de Vaud m’a accordé cette année une bourse de recherche artistique pour approfondir cette voie. Utilisé de façon judicieuse, le digital peut être très intéressant ! Pour être au courant des dates et autres projets à venir : www.dyki-dushi.ch

Aussi, un projet de podcast que j’ai déposé dans un concours organisé par Radio Bascule (une radio de podcasts créée par le Forum Meyrin Genève et Radio Vostok) figure parmi les 8 projets sélectionnés. On pourra l’entendre en janvier 2022. Ce sera un docu-fiction dont le socle sera la ville de Mariupol, dans l’est de l’Ukraine, ville bombardée en 2015 et en pleine reconstruction, où j’ai eu l’opportunité d’aller jouer en festival de théâtre.

Les editions Romann

Photo Gennaro Scotti

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