Mr. Bridge

Mr. Bridge

Surtout attendez d’avoir achevé la lecture du roman pour attaquer la préface… Elle est, comme beaucoup d’entre elles, trop explicative. Elle a pourtant le mérite d’expliquer pourquoi, alors que le roman se déroule dans les années trente, on peut croire qu’il se passe pendant les années cinquante.

C’est tout simplement parce que Mr. Bridge – prénommé Walter – ne subit pas de plein fouet la crise de 29 et que les exactions des nazis n’interviennent à ses yeux que pour écourter son voyage en Europe. Tout préoccupé qu’il est de vivre et de faire vivre sa petite famille, Mr. Bridge a un rapport au monde décalé. Il a du personnel de maison noir et continue de voir les noirs selon le stéréotype imaginé par sa propre classe sociale (tous voleurs). Il n’aime pas les spéculateurs et regrette fortement de ne pas s’être associé à un ami qui vient de faire fortune dans le pétrole. J’ai cherché, sachant que le couple avait été incarné à l’écran par Paul Newman et son épouse Joanne Woodward, qui d’autre aurait pu jouer Mr. Bridge… James Stewart, il me semble, aurait pu lui prêter sa silhouette et son talent. Le personnage peut facilement passer pour un sinistre imbécile engoncé dans sa vie et sa classe sociale, sa ville… Et pourtant on l’imagine professionnellement compétent et il est plein d’attention pour ceux qu’il aime. Peut-être lui manque-t-il les mots pour dire, pour sortir du rôle que la société lui a attribué… A moins que, par peur, il ne se retranche derrière le rôle confié… Quelqu’un de si mal à l’aise avec sa réalité immédiate, familiale qui se cache derrière le mur des attitudes de sa classe. On peut penser sans grand risque de se tromper que ce genre d’homme n’a pas disparu et n’est pas près de disparaitre. Regardez autour de vous, vous allez être surpris.

Un portrait d’homme en 141 vignettes, épisodes, saynètes…

Bonne lecture.

Mr. Bridge
Auteur : Evan S. Connell
Editeur : Belfond
Collection : Vintage

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