C'est quoi apprendre ?

C’est quoi apprendre ?

Ne reculant devant aucun sacrifice, je vais dans cette chronique parler et rendre compte de trois livres d’un coup. Ils appartiennent à la nouvelle collection lancée par les éditions de l’Aube et mettent en relation Émile, un ado curieux de ce qui se passe autour de lui et dans le monde, avec ceux et celles qui le – le monde – pensent. On se souviendra d’un certain Jean-Jacques, promeneur solitaire sujet à rêveries, qui écrivit un fort bel ouvrage intitulé, sauf erreur de ma part, Émile ou l’éducation. Pour ne pas rendre ces entretiens rébarbatifs, il a été demandé à Pascal Lemaître d’y ajouter son grain de sel d’illustrateur. En soi l’idée est intéressante. Vous conviendrez cependant avec moi qu’elle dépend beaucoup de ceux avec lesquels s’entretient Émile. Comme pour conforter mon idée et parce que manifestement les titres et entretiens ne sont pas calibrés, les trois premiers volumes publiés n’ont pas le même nombre de pages (77-78-92) et pas vraiment le même intérêt. Et ce n’est pas la faute de ce brave Émile.

Commençons – puisqu’il n’y a pas de numéro indiquant une préséance – par le plus court : C’est quoi être poète ? Celui qui répond c’est Julos Beaucarne. Pourquoi pas, il y a pire choix ! Nous sommes loin de la poésie « officielle » mais tant qu’à choisir un Belge, pourquoi pas Dick Annegarn dont l’actualité me semble plus évidente… Ses réponses sont sans surprises et assez éclairantes. Étrangement, lorsque Émile lui demande une poésie en wallon – c’est la langue maternelle de Julos Beaucarne – il chante une traduction de La chanson pour l’Auvergnat de Georges Brassens qui ne nous est que donnée à lire… Les dessins de Pascal Lemaître ne sont pas trop redondants avec les réponses…

Ensuite par ordre croissant de taille on trouve : C’est quoi le langage ? et c’est Claude Hagège qui répond. Là je suis sceptique quant aux réponses fournies par le professeur au collège de France et fort déçu de l’échange. Claude Hagège déclare à Émile qu’il existe des sots métiers (?! ) et à propos de la suite du proverbe-dicton il ajoute : « Quand ils (les gens) ajoutent cela (il n’y a que sottes gens) ils veulent dire que le métier en soi n’est jamais sot mais que la façon de l’exercer peut être sotte. Je ne pense pas. ». Il ne parle guère du langage d’aujourd’hui, de son utilisation. Là je me demande si un Alain Bentolila n’aurait pas été plus pertinent ou même une orthophoniste de renom ou pourquoi pas un humoriste. Même les dessins de Pascal Lemaître me paraissent ici moins subtils, en tout cas on n’y voit aucune Babel ou langage « signé ».

Enfin le troisième volume, le plus audacieux quant au titre : C’est quoi apprendre ? et c’est Philippe Meirieu qui répond et transforme la question avec la complicité d’Émile. Apprendre devient par le biais de la pédagogie « enseigner  » ou apprendre à (et non apprendre ma leçon). Et Philippe Meirieu fait preuve de pédagogie dans ses réponses – les questions d’Émile sont plus nombreuses et plus intéressantes. En fait on en apprend beaucoup dans les réponses du pédagogue et l’on mesure tous les progrès qu’il faudrait faire pour aider les jeunes à apprendre. Philippe Meirieu fournit à Émile les éléments d’une vraie réflexion… On pourra noter qu’il y a moins d’illustrations dans ce volume que dans les deux autres et qu’elles sont ici plus redondantes.

J’ajouterai que je regrette l’absence d’une petite bibliographie fournie par l’adulte interrogé et surtout : on ne sait rien de que pense Émile de ce que lui ont dit les trois personnes. On aimerait bien savoir ce qu’Émile a raconté ou racontera à ses camarades de cette expérience.

Bonnes lectures.

C’est quoi apprendre ?
C’est quoi le langage ?
C’est quoi être poète ?
Editeur : L’Aube
Collection : Les grands entretiens d’Émile

http://editionsdelaube.fr

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